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Ostéochondrite de la hanche (maladie de legg-calvé-perthès)

Définition

L’ostéochondrite primitive de la hanche (maladie de Legg-Calvé-Perthes, LCP) (Perthes disease en anglais) est une nécrose avasculaire de l’épiphyse fémorale supérieure suite à une interruption de la vascularisation (assurée normalement par l’artère circonflexe). La maladie a été décrite simultanément en 1910, par 3 auteurs : l’Américain Arthur Legg, le Français Jacques Calvé et l’Allemand Georg Perthes.

 PATHOGENIE ET HISTOIRE NATURELLE

Figure 1 - évolution d’une maladie de Legg-Calvé-Perthès.

De gauche à droite et de haut en bas - Nécrose (enfant de 5 ans 6 mois), fragmentation (5 ans 11 mois), reconstruction (7 ans 5 mois), à maturité osseuse (18 ans).

 

L’étiologie demeure incertaine et est probablement multifactorielle. Le seul facteur favorisant reconnu dans certaines études est le tabagisme familial en présence de l’enfant.
La maladie atteint 5 garçons pour 1 fille. Elle touche surtout les enfants entre 3 et 9 ans avec un pic de fréquence vers 5 ans. Dans 15 % des cas, elle affecte les 2 hanches mais pas forcément en même temps.
L’histoire naturelle de la maladie passe par 4 stades (FIG. 1) :
− La nécrose : suite à l’interruption du flux artériel au niveau de l’épiphyse fémorale supérieur, l’os épiphysaire se nécrose. Au fil du temps, suite à des forces de cisaillement, une fracture sous-chondrale survient, ce qui est souvent le premier signe (image en coup d’ongle) (FIG. 2).
L’épiphyse devient plus dense. On explique cette densification par 2 phénomènes.
Tout d’abord, l’épiphyse s’aplatit et donc se compacte. Ensuite, l’os épiphysaire ne participe pas à l’ostéoporose régionale. Vu la douleur et la boîterie d’esquive de l’enfant, le membre moins utilisé est le siège d’une ostéoporose de non-utilisation. L’os épiphysaire non vascularisé ne participe pas à cette fuite de calcium, et donc reste plus dense.

Figure 2 - Image en coup d’ongle signifiant la dissection sous-chondrale de la tête fémorale

− La fragmentation : l’os dense est progressivement résorbé, ce qui donne l’impression
que le noyau épiphysaire se fragmente (FIG. 1B).
− La reconstruction : l’os nécrotique est résorbé et remplacé progressivement
par du nouvel os (FIG. 1C)
− La guérison : l’épiphyse est de nouveau pleinement vascularisée mais peut
être très déformée. Durant les années de croissance qu’il reste à l’enfant, la
tête fémorale va pouvoir se remodeler. à maturité osseuse, il n’y a plus de
remodelage possible (FIG. 1D).

EPIDEMIOLOGIE

L’incidence est de l’ordre de 5 enfants sur 100.000.

 PRESENTATION CLINIQUE

Le début des symptômes est insidieux. La douleur est localisée à la hanche avec irradiation vers le genou, parfois la douleur n’est localisée qu’au genou. La douleur augmente avec l’effort physique et est souvent plus élevée en fin de journée.
L’enfant marche avec une boiterie d’esquive. Les mouvements de rotation interne et d’abduction de hanche (FIG. 3A et B) sont diminués et douloureux. Il n’y a pas de fièvre. La biologie sanguine est normale.

Figure 3A et 3B - Testing de l'abduction et de la rotation interne.

 EXAMENS COMPLEMENTAIRES

− L’échographie montrera au stade précoce un épanchement synovial. Au départ, ce sera le seul signe et la maladie peut être confondue avec un rhume de hanche. Mais en fait, 1 % des rhumes de hanche sont des LCP. C’est pourquoi on recommande de revoir les rhumes de hanche à 6 semaines avec une radiographie pour dépister le LCP.

Figure 4 - Echographie de hanche.

− La scintigraphie « pin hole » montrera l’interruption vasculaire au niveau de l’épiphyse fémorale supérieure atteinte : vide vasculaire.
− La radiographie montrera seulement les premiers signes après plusieurs semaines.
Il y a quatre stades radiologiques : nécrose, fragmentation, reconstruction et guérison (FIG. 1).

  •  Stade de nécrose : l’épiphyse devient plus dense. L’espace articulaire médial s’élargit. Cette phase peut durer 3 à 6 mois (FIG. 1A).
  • Stade de fragmentation : la tête fémorale paraît se fragmenter. Cela résulte du processus de revascularisation et de la résorption osseuse. L’os se collapse et donc sa densité paraît augmenter. C’est à ce stade que la classification de Herring s’applique (FIG. 1B).
  • Stade de reconstruction : de l’os néoformé apparaît. L’os mort continue à se résorber. Cette phase peut durer 18 mois (FIG. 1C).
  • Stade de guérison et de remodelage : cette phase dure jusqu’à la maturité osseuse. La tête déformée se remodèle progressivement (FIG. 1D).

− L’IRM permet un diagnostic précoce et a l’avantage d’être non irradiant chez l’enfant. L’inconvénient est qu’elle nécessite une anesthésie générale chez un enfant de moins de 6 ans le plus souvent.

 CLASSIFICATION

Figure 5 - Classification de Herring. à gauche - épiphyse normale : le pilier latéral correspond au 1/3 latéral. Herring type A - La hauteur du pilier latéral reste complète. Type B - La hauteur reste > 50 %. Type C - La hauteur est < 50 %.

La classification radiologique la plus utilisée est celle de Herring (pilier latéral) (FIG. 5). Cette classification s’applique seulement minimum 6 mois après le début de la maladie.
Elle est basée sur l’aspect du pilier latéral de l’épiphyse fémorale supérieure durant le stade de fragmentation.
Cette classification a une valeur pronostique. Une hanche type C de Herring évoluera moins bien qu’une type A. L’inconvénient de cette classification est qu’elle ne peut seulement être appliquée que lorsque la maladie a progressé jusqu’au stade de fragmentation.
Il existe des signes radiologiques de « têtes à risque » qui ont une valeur pronostique négative mais ces signes sont aussi tardifs (quand les dégâts sont déjà présents) :

  • calcification latérale par rapport à l’épiphyse ;
  • subluxation latérale de la tête fémorale > 4 mm ;
  • signe de Gage (zone d’ostéoporose externe sur l’épiphyse) ;
  • atteinte métaphysaire diffuse ;
  • horizontalisation de la physe.

La classification scintigraphique selon Conway a aussi une valeur pronostique et a l’avantage d’être plus précoce (FIG. 6). Elle devance la radiographie de 3 mois.
La scintigraphie doit être faite 3 mois après le début des symptômes.

Dans la voie A de Conway, c’est comme si l’artère circonflexe thrombosée se recanalisait et que la tête se reperfusait. C’est la voie rapide. La tête va vite guérir et n’aura pas le temps de s’aplatir. Dans cette voie, aucun des patients ne développera de signes radiologiques de tête à risque.

Dans la voie B de Conway, le réseau vasculaire thrombosé reste bouché, mais une néovascularisation se recrée à partir de la physe. C’est la voie lente. La tête va mettre deux ans ou plus pour guérir et elle aura le temps de s’aplatir. Dans cette voie, 90 % des patients vont développer des signes radiologiques de tête à risque.

Figure 6 - Voies scintigraphiques de Conway. à gauche - Voie A. L’artère circonflexe se reperfuse et le pilier externe se revascularise et on voit qu’il fixe à la scintigraphie. à droite - Voie B. L’artère reste bouchée. Une néovascularisation se fait à partir de la physe et on voit que la zone de la physe s’épaissit à la scintigraphie (image du champignon). Le pilier latéral reste dévascularisé.

Il existe également des facteurs de mauvais pronostic d’évolution de la maladie :

  • l’âge de l’enfant au début de la maladie (> 8 ans mauvais pronostic) ;
  • l’étendue de l’atteinte épiphysaire ;
  • l’importance du collapsus de la tête fémorale (équivalent à la classification de Herring) ;
  • l’importance de l’excentration de la tête fémorale.

PRINCIPE DU TRAITEMENT

Le but du traitement est d’obtenir, à maturité osseuse, une tête fémorale la moins déformée, c’est-à-dire la plus sphérique et la plus congruente possible.
Au stade débutant (jusqu’au stade de fragmentation précoce), le but est de prévenir la déformation de la tête fémorale sur le rebord du toit du cotyle en maintenant la tête fémorale bien contenue dans le cotyle.
Le traitement des stades plus tardifs de la maladie dépend de la déformation résiduelle de la tête fémorale et a pour but de diminuer le conflit fémoro-acétabulaire occasionné par l’aplatissement et l’extrusion de la tête fémorale.

QUEL TRAITEMENT ?

Si les premiers symptômes datent de moins de 3 mois, lors de la découverte du LCP, on commence par un traitement conservateur :

  • repos relatif (pas de sport de contact, uniquement vélo, natation) ;
  • chaise roulante pour longues distances ;
  • kinésithérapie de maintien des amplitudes articulaires ;

3 mois après le début des symptômes ou plus tard (découverte tardive), on réalise une scintigraphie osseuse et on décide de la suite du traitement :

  • si voie A : poursuite du traitement conservateur ;
  • si voie B : butée ostéoplastique ;
  • si passage voie A à voie B : butée ostéoplastique ;
  • si patient > 8 ans (quelle que soit la voie) : butée ostéoplastique.

Figure 7 - Technique de la butée. Le tendon réfléchi qui marque le rebord du cotyle est désinséré. Des trous sont forés à l’aide d’une fine mèche puis réunis à la pince gouge pour former une rainure au ras du cotyle. Un
greffon unicortical est prélevé sur la table iliaque externe. Le greffon est inséré dans la rainure et suturé sur la capsule. Ensuite, des greffons spongieux sont ajoutés sur le greffon cortical.

Figure 8, à gauche - Enfant de 5 ans avec LCP Herring type C, Conway voie B. Au milieu - 4 semaine après la butée ostéoplastique. à droite - 6 ans après l’opération : la butée s’est résorbée, le cotyle a grandi pour couvrir la tête fémorale qui est redevenue bien ronde.

TECHNIQUES DE TRAITEMENT

La butée ostéoplastique consiste à placer une greffe au-dessus de la capsule pour augmenter la couverture cotyloïdienne. Elle va augmenter la couverture cotyloidienne et empêcher la tête de s’excentrer et donc de se déformer sur le rebord du cotyle. Elle aura aussi un effet de stimulation sur la croissance du cotyle qui va grandir plus vite et pourra mieux s’adapter à la tête fémorale.