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Malpositions du pied du nouveau-né

Figure 1 - Le pied du nouveau-né présente le plus souvent une flexion dorsale importante : c’est le pied talus physiologique.
- Lorsque le pied a subi une pression vers l’extérieur, il peut être talus valgus (malposition)
- Si le pied a subi une pression vers l’intérieur, il peut présenter un metatarsus adductus (malposition) ou une attitude en varus équin (malposition).
- Les 2 malformations du pied que sont le pied bot varus équin et le pied convexe ne sont pas dus à une pression su le pied.

PIED TALUS PHYSIOLOGIQUE

La position habituelle du pied in utero est en dorsiflexion, le pied du nouveau-né se présente donc spontanément en flexion dorsale importante (FIG. 1) avec parfois un contact entre la face dorsale du pied et la jambe. Il est dénommé « talus » ou « calcanéus » car le talon fait saillie et constitue le seul point de contact théorique avec le sol si l’on mettait le pied en charge.
- l’examen clinique, le talon est dans l’axe du segment jambier, l’avant-pied est dans le même axe que l’arrière-pied, la dorsiflexion passive dépasse 20° et est souvent plus importante que la flexion plantaire limitée à 15°. Le calcaneum est bien palpable dans la coque talonnière, il n’y a pas d’équin de l’arrière-pied (sinon c’est un pied convexe). S’il existe un valgus de l’arrière-pied, c’est un pied talus valgus (voir plus loin).
En quelques semaines, le pied va spontanément gagner de la flexion plantaire et se positionner à angle droit. Aucun traitement n’est nécessaire vu que c’est physiologique.

PIED TALUS VALGUS

DÉFINITION - PATHOGÉNIE

Appelé aussi pied calcanéo-valgus, il associe une flexion dorsale importante de cheville avec saillie du talon et un valgus de l’arrière-pied (FIG. 2). L’incidence est de 5/1000 (Widhe 1997). La flexion plantaire peut être initialement nulle ou négative à cause de la contracture des muscles de la loge antérieure. Le pied touche parfois la face antérieure de la jambe. Le calcanéus est aussi bien palpable dans la coque talonnière avec saillie plantaire de la tubérosité calcanéenne. On suspectera un pied convexe si les déformations ne sont pas réductibles, en cas d’équin de l’arrière-pied ou d’hyper-mobilité médio-tarsienne (voir plus loin). On suspectera une courbure tibiale postéro-médiale (ou bowing postéro-médial) si le tibia distal est courbé vers l’arrière et le dedans.

Figure 2 - Pied talus-valgus (réductible)

DIAGNOSTIC ET VARIANTES

Le diagnostic du pied talus valgus est clinique mais on réalisera une radiographie de profil du pied si on suspecte un pied convexe, c’est à dire si les déformations ne sont pas complètement réductibles. Si on suspecte une courbure postéro-médiale, la radio confirmera la courbure du tibia distal.

TRAITEMENT

La correction spontanée est rapide en quelques semaines, 100 % des pieds talus- valgus se normalisent sans traitement.

COMPLICATIONS

La seule complication est de rater le diagnostic de pied convexe qui nécessite un traitement précoce et spécifique.

PIED CONVEXE CONGÉNITAL

DÉFINITION-PATHOGÉNIE

Le pied est déformé en « chaise à bascule » (rocker bottom foot) ou en « piolet » avec une luxation irréductible de l’articulation de Chopard (FIG. 3). L’avant-pied se trouve donc en flexion dorsale avec une articulation médio-tarsienne de Chopart hypermobile. Paradoxalement, l’arrière-pied est en équin et valgus (congenital
vertical talus en anglais) avec saillie plantaire de la tête du talus (et éventuellement de la grande apophyse du calcanéum). La tubérosité calcanéenne fait une saillie postérieure (alors que celle-ci est plantaire dans le pied talus valgus).
Si le pied convexe est négligé, l’enfant acquiert la marche mais la tête du talus fixée en équin devient la zone d’appui de l’arrière-pied et la tubérosité calcanéenne ne touche pas le sol. C’est une pathologie rare, d’étiologie multifactorielle avec composante génétique ; isolée (idiopathique) dans 50 % des cas et associée à des pathologies neurologiques (myéloméningocoele, agénésie sacrée), l’arthrogrypose, la luxation congénitale de hanche ou de genou dans les autres 50 % (Widhe 1997).

Figure 3 - Pied convexe congénital avec luxation dorsale de l’articulation de Chopard (cassure médio-tarsienne
irréductible).

DIAGNOSTIC ET VARIANTES

La confirmation du diagnostic repose sur la réalisation de deux clichés radiographiques de profil en flexion dorsale et plantaire maximale. L’élément constant est la position verticale du talus. La luxation talo-naviculaire n’est pas directement visible car le noyau d’ossification du naviculaire n’est pas visible à la naissance, mais sa position peut être estimée par le fait qu’il se situe dans l’axe du 1er métatarsien. Sur le cliché en flexion dorsale, la luxation médio-tarsienne est objectivée par un angle important, parfois jusque 90°, entre l’axe du talus et celui du 1er métatarsien. Le cliché en flexion plantaire confirme la luxation : le talus reste vertical et l’axe du 1er métatarsien reste au-dessus de l’axe du talus. (FIG. 4). (Bosker 2007).

Figure 4 - Diagnostic du pied convexe reposant sur la radiographie de profil du pied en flexion dorsale (à
gauche) et plantaire (à droite) maximale avec luxation dorsale talo-naviculaire irréductible. Quelle que soit
l’incidence, le talus est « vertical ».

TRAITEMENT

Le principe du traitement est de réduire la luxation médio-tarsienne. Il faut toujours essayer une série de plâtres correcteurs dès la naissance. Ceux-ci sont difficiles à réaliser car il faut luter contre l’équinisme de l’arrière-pied par pression plantaire sur la tête du talus et la grande apophyse calcanéenne et, en même temps, lutter contre la luxation du médio-pied par flexion plantaire de celui-ci. En pratique, on débute la série de plâtres le plus tôt possible, en position de correction varus-équin (position inverse du traitement de Ponseti), changé toute les 2 semaines avec contrôle radiographique destiné à monitorer l’efficacité du traitement. On échappe rarement au traitement chirurgical planifié autour de 18 mois : on commence par une libération médio-tarsienne avec allongement de tous les tendons extenseurs puis on réalise un allongement postérieur (Achille et capsules), puis on termine par la réduction et l’embrochage talo-naviculaire et calcanéo-cuboidien. Les broches sont laissées au moins 6 mois pour éviter la récidive (Ramanoudjame 2014).

COMPLICATIONS

La récidive est fréquente. Un pied non traité ou récidivé ne sera pas plantigrade : l’appui au niveau de l’arrière-pied se fera au niveau de la tête du talus avec développement de callosités et douleurs, et la tubérosité calcanéenne ne touchera pas le sol (FIG. 5).

Figure 5 - Evolution naturelle du pied convexe : appui sur le tête du talus plutôt que le sur la tubérosité calcanéenne (flèches).

METATARSUS ADDUCTUS ET PIED SERPENTIN

DÉFINITION-PATHOGÉNIE

Le métatarsus adductus (MA) est la malposition en adduction de l’avant-pied par rapport à l’arrière-pied dans le plan axial (horizontal) : le bord latéral du pied est convexe et son bord médial concave (FIG. 6). Cette malposition est la plus fréquente (3 %) et due à la position foetale où le bord interne du pied est en contact avec la face antérieure de la cuisse opposée (Widhe 1997). L’arrière-pied est normo-axé dans le MA :
− s’il existe un varus de l’arrière-pied réductible, c’est une attitude en varus-équin (voir plus loin) ;
− si le varus est irréductible , c’est probablement un pied bot varus équin (voir chapitre consacré) ;
− s’il existe un valgus de l’arrière-pied, c’est un pied serpentin ou pied en Z (skew foot). Ce dernier doit être différencié du simple MA, même si le diagnostic est souvent difficile chez le nouveau-né, car le pronostic est bien plus sévère et le traitement prolongé. Le pied serpentin peut être idiopathique, secondaire à un déséquilibre musculaire en cas de pathologie neurologique ou iatrogène dans le cadre du traitement du pied bot varus équin ou du pied convexe.

Figure 6 - Métatarsus adductus bilatéral avec une adduction de l’avant-pied par rapport à l’arrière pied

DIAGNOSTIC ET VARIANTES

Le diagnostic du MA est clinique. Il faut d’abord exclure d’autre malpositions ou malformation associées : l’arrière-pied doit être normo-axé sans équin. La sévérité de la déformation est classée selon Bleck en traçant l’axe du talon (de l’arrière- pied) qui passe entre le 2e et le 3e orteils sur un pied normal, par le 3e orteil
sur un MA léger, entre le 3e et/ou sur le 4e orteil sur un MA modéré et au delà sur un MA sévère (FIG. 7). La flexibilité en abduction est importante à déterminer : le MA est réductible si l’on peut faire passer l’axe du talon médialement au 2e orteil, partiellement si l’on peut neutraliser l’axe du talon entre le 2e et le 3e orteils et
raide si l’on est au delà. Enfin, la réductibilité dynamique est testée par stimulation des muscles fibulaires éverseurs.
La radiographie n’est utile que si l’on suspecte un pied serpentin en cas de valgus associé de l’arrière-pied ou en cas de persistance du MA après l’âge de la marche.
Un pied serpentin sur une radiographie du pied en charge de face associe une augmentation de l’angle calcanéus-M5 (valeur normale 0°), une augmentation de l’angle talus-M1 (valeur normale 0-10°) et une cassure de la colonne médiale en Z : subluxation médiale cunéo-M1, alignement de l’axe du M1 avec l’axe cunéiformes- cuboïde, subluxation latérale talo-naviculaire (FIG. 8).

 

Figure 7 - Stades de Bleck du MA en fonction de la projection de l’axe du talon sur l’avant-pied. De gauche à droite : l’axe normal passe entre le 2e et le 3e orteils, par le 3e orteil sur un MA léger, entre le 3e et/ou sur le 4e orteil sur un MA modéré et au delà sur un MA sévère.

TRAITEMENT

90 % des MA évoluent spontanément favorablement sans traitement. Néanmoins, nous proposons toujours aux parents des manipulations en abduction de l’avant-pied et stimulation des éverseurs. Pour les MA sévères et raides, nous réalisons un ou deux plâtres correcteurs suivi du port de chaussures correctrices à bouts ouverts jusqu’à correction complète (Herzenberg 2014). Les rares MA sévères et raides entrainant des douleurs ou des difficultés de chaussages chez le grand enfant peuvent être traités chirurgicalement par allongement de la colonne médiale (1er cunéiforme) et raccourcissement de la colonne latérale (cuboïde).
Le pied serpentin n’évolue par contre jamais favorablement spontanément. Son traitement précoce (avant 1 an) repose sur la réalisation d’une série de plâtres en corrigeant progressivement d’adduction de l’avant-pied (Hutchinson 2010).
Lorsque les déformations sont fixées après 2 ans, des ostéotomies de réaxation seront réalisées.

Figure 8
Pieds serpentins chez un enfant de 4 ans. L’arrière-pied est valus (augmentation de la divergence talo-calcanéenne) et l’avant-pied est adductus (augmentation des angles calcanéus-M5 en violet et talus-M1 en orange). Il y a une « cassure » du pied en zig-zag (rouge) : subluxation latérale du naviculaire, alignement du M1 avec les 3 cunéiformes.

COMPLICATIONS

Les séquelles d’un MA sévère et raide non corrigé ne sont souvent qu’esthétiques. Les douleurs et conflits de chaussage sont plutôt en rapport avec un pied serpentin non diagnostiqué : saillie latérale du 5e métatarsien en bosse dorsale.

ATTITUDE EN VARUS ÉQUIN

DÉFINITION-PATHOGÉNIE

L’attitude en varus équin est une malposition qui ressemble au pied bot varus équin car on y retrouve ses trois déformations (mais la différence est qu’elles sont réductibles dans l’attitude en varus équin et irréductibles dans le pied bot) : varus de l’arrière pied, adduction de l’avant-pied et équin de la cheville.

DIAGNOSTIC ET VARIANTES

Le diagnostic est purement clinique et repose sur la réductibilité complète dès la naissance du varus de l’adduction et de l’équin.

TRAITEMENT

Même si 100 % des pieds évoluent favorablement sans traitement, nous proposons parfois un traitement par kinésithérapie avec mise en place de taping, plaquette ou orthèse thermoformée nocturne en position de correction (dérotation du bloc-calcanéo-pédieux et correction de l’équin).

COMPLICATIONS

Les complications sont liées à l’erreur diagnostique d’un pied bot varus équin.

ANOMALIES DES ORTEILS

QUINTUS VARUS SUPRADUCTUS

Aussi appelé 5e orteil chevauchant (FIG. 9). Déformation très fréquente dont le préjudice n’est qu’esthétique. On propose un traitement par orthèses en silicones (non remboursées) à l’âge de la marche car les orthèses ne tiennent pas en place sans chaussure. Le traitement chirurgical est réservé aux rares cas de difficultés de chaussage.

Figure 9 - Quintus varus supraductus bilatéral

CLINODACTYLIE

Ou orteil chevauché. Très fréquent également au niveau du 3e et du 4e orteils. L’orteil chevauché est en flexion, varus et rotation externe. On propose également un traitement par orthèses en silicones (non remboursées) à l’âge de la marche. En cas de douleurs et callosités, on peut proposer une ténotomie des
fléchisseurs.

MÉGALODACTYLIE

Malformation rare qui peut être isolée ou syndromique dans le cadre de la neurofibromatose, le syndrome de Klippel-Trénaunay (malformation artério-veineuse entrainant la surcroissance d’un membre), le syndrome de Protée ou d’autres hémi- hypertrophies ou hypertrophies congénitales d’un membre. Le plus souvent le 2e rayon puis le 3e, plusieurs rayons atteints dans 50 % des cas. Le traitement est chirurgical en cas de gêne fonctionnelle et basé sur l’ampleur de la malformation : parfois uniquement un dégraissage et épiphysiodèse, une amputation partielle ou une résection complète du rayon en cas d’augmentation de 10° de l’angle M1-M5 par rapport à l’autre pied. (FIG. 10)

Figure 10 - Mégalodactylie des 2e et 3e rayons traitée par résection du 2e rayon.

SYNDACTYLIE

Défaut de séparation entre deux orteils qui concerne souvent uniquement la peau proximale entre les 2e et 3e orteils (FIG. 11). Il n’y a aucun traitement préconisé car il n’y a aucune répercussion fonctionnelle et que le traitement chirurgical requiert souvent une greffe de peau inesthétique.

 

Figure 11 - Syndactylie proximale cutanée ne nécessitant aucun traitement.

POLYDACTYLIE

Plus fréquente chez les patients de race noire, elle peut être pré-axiale (orteil surnuméraire au bord médial du pied), centrale ou post-axiale (au bord latéral du pied) (FIG. 12). Elle est bilatérale dans 50 % des cas, associée avec une polydactylie des mains dans 34 % des cas et il existe une composante génétique avec une histoire familiale dans 30 % des cas (Widhe 1997). L’orteil surnuméraire peut être réduit à un simple appendice cutané ou concerner l’ensemble du squelette du rayon. Le traitement est chirurgical par exérèse de l’orteil surnuméraire juste avant l’âge de la marche.

Figure 12 - Polydactylie pré-(à droite) et post-axiale (à gauche).

ECTRODACTYLIE

Ou pied fendu ou en pince de homard. Rare, il s’agit d’une déficience des rayons centraux touchant les 4 membres dans 9 % des cas avec transmission autosomique dominante à pénétrance incomplète (FIG. 13). Ces enfants s’adaptent souvent bien à leur handicap. Le traitement est basé d’abord sur un chaussage adapté. Si la largeur du pied augmentée empêche un chaussage indolore, on peut proposer un traitement chirurgical par ostéotomies de la base du rayon médial et latéral afin de rapprocher ceux-ci.

 

Figure 13 - Ectrodactylie touchant les 4 membres.